La rupture conventionnelle, une solution ?
Jeanne souhaite quitter son entreprise car elle a déménagé pendant son arrêt de travail pour se rapprocher de sa famille. Elle n’a pas de projet de création d’entreprise aussi une démission ne lui permettrait pas de bénéficier des allocations chômage. Elle voudrait savoir s’il y a une solution qui lui permettrait de conserver ses droits au chômage.
- Jeanne peut demander une rupture conventionnelle à son employeur.
- Si son employeur accepte sa demande, elle pourra bénéficier d’une indemnité de licenciement et aura droit aux allocations chômage.
La rupture conventionnelle est le seul mode de rupture du contrat de travail à l’amiable entre le salarié et l’employeur et permet à l’employeur et au salarié en contrat de travail à durée indéterminée de convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
Cette rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée obéit à une procédure spécifique : entretien(s) entre les deux parties, rédaction d’une convention de rupture qui doit obligatoirement être homologuée par la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (ex-Direccte).
Elle est entourée d’un certain nombre de garanties pour le salarié et lui ouvre droit, dans les conditions de droit commun au bénéfice de l’allocation d’assurance chômage s’il en remplit les conditions d’attribution (activité préalable suffisante, recherche active d’emploi).
À l’occasion de cette rupture conventionnelle, le salarié perçoit une « indemnité spécifique de rupture conventionnelle » dont le montant ne peut être inférieur au montant de l’indemnité légale de licenciement.
L’employeur ne peut pas imposer une rupture conventionnelle au salarié.
De même, le salarié ne peut pas l’imposer à l’employeur.
Critère indispensable : le commun accord des parties
Cependant , selon la Cour de cassation, l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conventionnelle conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail (arrêt du 30 septembre 2013).
De même, selon la Cour de cassation, en l’absence de vice du consentement (erreur, violence physique ou morale, tromperie ou « dol »), l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la rupture conventionnelle (voir en ce sens, l’arrêt du 23 janvier 2019). A contrario, si à la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, le salarié était dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en sont découlés, le vice du consentement est caractérisé, entrainant la nullité de la convention de rupture (voir en ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 2020).
C’est à la partie (employeur ou salarié) qui invoque l’existence d’un vice du consentement de nature à justifier l’annulation de la rupture conventionnelle d’en rapporter la preuve ; sur ce point, on peut se reporter à l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2022.
La rupture du contrat de travail à durée indéterminée par accord des parties ne peut intervenir que dans le cadre de la rupture conventionnelle homologuée, dans la mesure où ce dispositif garantit la liberté du consentement des parties. Dès lors, la rupture du contrat de travail par accord des parties qui intervient en dehors de ce cadre, doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit, pour le salarié, aux indemnités prévues dans ce cas (arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2014).
Peut-on se rétracter ?
Afin d’éviter les décisions trop hâtives, et afin de permettre à chaque partie de mesurer la portée de sa décision, la loi :
- impose un délai minimum entre la signature de la convention et sa transmission à l’autorité administrative pour homologation. Depuis le 1er avril 2022, cette transmission s’effectue via le site TéléRc ;
- et permet à chaque partie de revenir sur sa décision durant ce délai (ce que l’on appelle « droit de rétractation »).
Ainsi, à compter de la date de signature de la convention par l’employeur et le salarié, l’un et l’autre dispose d’un délai de 15 jours calendaires (tous les jours de la semaine sont comptabilisés) pour exercer ce droit de rétractation. Celui-ci est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie. Pour se prémunir de toute difficulté, la partie qui souhaite se rétracter a intérêt de le faire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise à l’autre partie en main propre contre décharge mentionnant la date de remise.
Le délai de rétractation mentionné ci-dessus démarre au lendemain de la signature de la convention de rupture. Par application de l’article R 1231-1 du code du travail, si ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. La loi n’impose pas à la partie qui décide de se rétracter de motiver sa décision.
Sur le site « TéléRc », il est possible de simuler les dates des différentes étapes de la procédure.
Cas d’interdiction de la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle individuelle est interdite dans les cas suivants :
- si elle est conclue dans des conditions frauduleuses ou en l’absence d’accord conclu entre le salarié et l’employeur ;
- si elle est proposée dans le cadre d’un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;
- si elle est proposée dans le cadre d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective ;
- si la procédure de rupture conventionnelle vise à contourner les garanties prévues pour le salarié en matière de licenciement économique.
La rupture conventionnelle peut être annulée par le conseil de prud’hommes (CPH) si le salarié établit qu’elle a été signée alors que son consentement n’était pas libre. Exemples :
- La rupture conventionnelle a été signée dans un contexte de harcèlement moral ;
- L’employeur a exercé des pressions pour inciter le salarié à choisir une rupture conventionnelle.
Le salarié peut alors percevoir des indemnités prévues en cas de licenciement injustifié (sans cause réelle et sérieuse).