Les droits du travail - Le licenciement dans le secteur privé
Qu’est-ce que le licenciement pour inaptitude ?
Jean a un nouvel emploi, malheureusement l’évolution de son cancer nécessite de nouveaux traitements. Il est en arrêt de travail et il est inquiet car il est conscient que ses droits aux indemnités journalières sont presque terminés.
- Lors d’un contrôle, le médecin conseil évoque un classement en invalidité et lui propose de rencontrer le médecin du travail pour une visite de pré-reprise afin d’obtenir son avis.
- Lors de la visite de pré-reprise, le médecin du travail émet des doutes sur la capacité de Jean à reprendre son ancien poste. Jean lui demande de ne pas en parler à son employeur : il lui reste encore 3 mois avant de reprendre, et il espère récupérer encore un peu car il aimerait reprendre son activité professionnelle.
- Le médecin conseil de la sécurité sociale lui propose une invalidité catégorie 1 en lui expliquant qu’il pourra la cumuler avec un temps partiel.
Jean se présente à la visite de reprise qu’il craint car elle va être décisive pour son avenir professionnel. Il sait que cette visite est obligatoire pour lui et pour son employeur.
- Le médecin du travail déclare Jean inapte à son poste lors de la visite de reprise de Jean. Il estime que Jean ne peut plus remplir les tâches qui lui sont dévolues sans se mettre en danger.
- Jean envisage de contester l’avis du médecin du travail devant le Conseil des Prud’hommes. Suite à une visite chez son oncologue, qui partage l’avis du médecin du travail, il y renonce.
- Dans le cadre de son obligation de reclassement, son employeur lui propose un autre poste que Jean refuse, ce qui déclenche son licenciement pour inaptitude. Ce refus n’entraîne aucune perte de droits pour Jean.
- Jean s’inscrit auprès de Pôle Emploi, ce qui lui permet d’activer la portabilité des contrats de prévoyance et complémentaire santé dont il bénéficiait chez son employeur.
- Il est soulagé car il vient d’apprendre que cette prévoyance va lui verser un complément de revenus.
Ce que dit le droit :
La visite médicale de pré-reprise
La visite de pré-reprise est une visite médicale qui peut avoir lieu durant l’arrêt de travail d’un salarié ou agent. Elle permet de préparer la reprise du travail du salarié en échangeant sur sa situation et en identifiant ses besoins éventuels.
Cette visite, gratuite et confidentielle, peut être demandée par le salarié, son médecin traitant, son médecin spécialiste ou le médecin conseil de l’Assurance Maladie.
La visite de pré-reprise peut maintenant être demandée pour un arrêt de travail de plus de 30 jours, quelle qu’en soit la cause. Ce nouveau délai ne s’applique qu’aux arrêts qui ont débuté après le 31 mars 2022.
Le médecin du travail est l’interlocuteur privilégié du salarié puisqu’il connait très bien le milieu de travail du salarié en question et les recommandations du médecin du travail permettent à l’employeur d’anticiper la recherche de reclassement du salarié dont l’état de santé ne lui permettra sans doute plus de reprendre son poste.
Le médecin du travail peut transmettre les recommandations à l’employeur et au médecin conseil, afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi.
À savoir :
- Le salarié a le droit de s’opposer à ce que ces recommandations soient transmises à l’employeur et au médecin conseil.
- Cette visite ne fait l’objet d’aucun avis d’aptitude ou d’inaptitude.
- Cette visite ne met pas fin à la suspension du contrat de travail.
La visite de pré-reprise ne se substitue pas à la visite de reprise.
La visite médicale de reprise
La visite médicale de reprise du travail n’est pas systématique. Elle est obligatoire si le salarié était en arrêt de travail pour l’un des motifs suivants :
- Maladie ayant entraîné un arrêt d’au moins 30 jours ayant débuté avant le 1er avril 2022 ;
- Accident ou maladie d’origine non-professionnels ayant entraîné un arrêt de travail de plus de 60 jours, ayant débuté à compter du 1er avril 2022 ;
- Accident du travail ayant entraîné un arrêt d’au moins 30 jours ;
- Maladie professionnelle (quelle que soit sa durée) ;
- Congé de maternité
La visite médicale de reprise doit avoir lieu dans les 8 jours calendaires à compter de la reprise du travail du salarié.
C’est cette visite médicale de reprise qui met fin à la suspension du contrat de travail.
Le non-respect par l’employeur des visites médicales
Les sanctions pénales :
Le non-respect de ses obligations par l’employeur est passible :
- d’une amende de 5ème classe (1500 euros voire 3000 euros en cas de récidive),
- d’une peine de prison en cas de récidive,
- de l’affichage du jugement.
Les sanctions civiles :
L’absence de visite médicale cause nécessairement un préjudice au salarié et engage donc la responsabilité civile de l’employeur. Ces examens concourent à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Le salarié peut agir en justice contre l’employeur afin d’obtenir des dommages et intérêts, et il peut prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur étant donné que ce dernier a commis une faute en manquant à son obligation de sécurité.
Cependant, lorsque la visite n’est pas organisée, par simple négligence de l’employeur ou par une erreur des services administratifs, la sanction consiste en une condamnation à verser des dommages et intérêts au salarié. Ce dernier ne peut pas se prévaloir d’une faute grave justifiant une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.
Les conséquences de la visite médicale de reprise
À l’issue de la visite médicale de reprise, le médecin du travail délivre un avis d’aptitude ou d’inaptitude au salarié.
L’avis d’aptitude formulé concerne l’adéquation entre l’état de santé d’un salarié et son poste de travail. Le médecin du travail peut le compléter avec des préconisations : aménagement du poste, aménagement des horaires, limitation de certaines tâches…
L’employeur est tenu de respecter les préconisations faites par le médecin du travail et le salarié est en droit de refuser de reprendre le travail sur un poste incompatible avec les recommandations du médecin du travail.
Toutefois, si le salarié refuse son poste précédent ou un emploi similaire compatible avec les recommandations du médecin du travail, alors il s’expose à un éventuel licenciement pour faute.
Par ailleurs, le salarié dispose d’un droit d’alerte et de retrait :
- Dans toute situation de travail qui présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (exemple : risque pouvant se réaliser brusquement et dans un délai rapproché).
- Ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection.
L’inaptitude correspond à l’inadéquation de l’état de santé du salarié et de son emploi, constaté par le médecin du travail, dès lors que le maintien de celui-ci à son poste de travail est de nature à porter atteinte à sa santé. L’avis d’inaptitude entraîne une obligation de reclassement du salarié. Qui incombe à l’employeur à la suite de cet avis. Cette obligation de reclassement est obligatoire pour l’employeur, même si le salarié a été déclaré inapte à son poste temporairement. L’impossibilité de reclassement survient en cas de reclassement impossible, d’absence de poste ou en cas de refus du salarié des postes proposés.
Le licenciement d’un salarié déclaré inapte à reprendre son emploi est possible :
- Si l’employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi tenant compte de l’avis et des indications du médecin du travail.
- Si l’employeur en a proposé un et que le salarié l’a refusé.
- Si l’avis d’inaptitude rédigé par le médecin du travail mentionne explicitement que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi».
Contestation de l’avis du médecin du travail
Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale.
Si le salarié conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions ou conclusions du médecin du travail, il doit saisir le Conseil des Prud’hommes en référé. Le délai de contestation est de 15 jours à compter de l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail.
Le salarié demande à la formation de référé du CPH la désignation d’un médecin-expert sur la liste des experts près la Cour d’appel.
La formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive.
L’employeur ne peut prendre aucune décision de licenciement lorsque le salarié conteste l’avis du médecin du travail. Il doit attendre la décision du médecin expert.
La procédure de licenciement pour inaptitude
Entretien préalable au licenciement pour inaptitude physique : l’objectif est de connaître les motifs de la décision et que le salarié puisse s’exprimer.
Convocation du salarié :
- Par lettre recommandé ou lettre remise en main propre contre décharge ;
- Contenu de la lettre : objet, date, heure, et lieu de l’entretien, possibilité de se faire assister ;
- Date d’envoi : 5 jours ouvrables doivent s’écouler entre la date de convocation et la date de l’entretien ;
- Débat : la présence du salarié n’est pas obligatoire.
L’omission d’un élément rend la procédure irrégulière.
Notification du licenciement :
- Respect des conditions de fond : Motif => licenciement pour inaptitude physique d’origine professionnelle ou non ;
- Respect des conditions de forme : Date => elle ne peut être expédiée moins de 2 jours ouvrables après l’entretien préalable ;
- Conséquence de la notification : rupture du contrat même si le licenciement est irrégulier.
A savoir : si dans le délai d’un mois à compter de la visite de reprise, l’employeur ne vous a ni reclassé, ni licencié, il doit reprendre le versement de votre salaire.